Re ski

Publié le par frufru

Voici l'article de notre journaliste préférée.

  Chronique tout schuss

C'est en sortant du télécabine, nous trois harnachés comme pour l'ascension de l'Everest, les chevilles prises dans l'étau de chaussures d'acier qu'on a soudain compris: c'était les vacances, le grand air, la montagne, le ski... et l'obligation de descendre cette pente vertigineuse qui nous faisait face. A peu prés aussi ‡ l'aise dans mon équipement triple couches qu'une huitre de Cancale sur la banquise, j'ai regardé descendre, admirative, Daniel et Bruno, en pesant pendant de longues minutes le pour et le contre avant de tenter maladroitement une p‚le imitation.

"Allonge tes virages, plie les genoux, ne refuse pas la pente", m'encourage BrunO. "Enroule tes chevilles pour tourner, fais la flexion-extension", renchérit Daniel, un poil plus technique (ha c'est les années dans l'architecture). "Et place-toi perpendiculaire à la pente !", ajoute-t-il (à moins que ce ne soit "parallèle", enfin je n'ai pas réussi à visualiser ce conseil, dès qu'on parle de maths je bloque...)

Au fil des jours, notre trio flamboyant sillonne les pistes de la station au rythme d'une chanson, "un truc de malade", que Daniel nous fait écouter dès qu'il ouvre sa boite magique, son I Phone dernier cri qui ne quitte JAMAIS la poche de son blouson rouge. Et oui, certains sont drogués aux cigarettes, d'autres à la technique... Quel temps fait-il aux Eaux-Bonnes en ce moment même ? Combien coûte le forfait de ski dans les Alpes (histoire de vérifier qu'ici c'est moins cher et plus sympa) ? Où en sont mes actions ? (non là je rigole) Bref, nous vivons en fonction de la météo et le reste, oui pour une fois, on s'en fiche pas mal.

Le temps est comme suspendu aux moments clé de nos journées. Il y a par exemple:

- La minute de douleur: quand il faut enfiler ses pieds dans les chaussures de ski, sensation encore pire que chez le dentiste

- La minute de bonheur: quand on retire ses pieds des dites chaussures et qu'on s'aperçoit que contrairement à ce qu'on croyait, aucun os du pied n'est brisé. On est tout content, même si les chaussettes ressemblent à un gant de toilette trempé.

- La minute d'extase: l'ouverture des rideaux de l'appartement le matin à 8H00 face au spectacle des pistes immaculées, la cigarette sur le balcon (il n'y a pas eu que moi, sans vouloir dénoncer quelqu'un) en regardant le ballet des dameuses tout en haut de la montagne à la nuit tombée

- La minute d'ivresse: quand le verre de Lillet pour la fille/whisky pour les messieurs est bu et qu'on est fourbu et qu'on se dit que demain, c'est sûr, la Régine Cavagnoud du 64 ça va être nous.

Sans compter la minute gastronomique (quand Daniel nous prépare ses bons petits plats d'hiver), la minute philosophique (quand à force de côtoyer les sommets, on se met à débattre de l'existence de Dieu sur terre), la minute ludique (quand Bruno nous met K.O au poker, on se demande où il a appris à bluffer) et enfin, la minute (plutôt les minutes pour être honnête) hygiénique où il faut prendre son tour pour occuper la salle-de-bains qui a la fâcheuse particularité d'abriter aussi les toilettes.

Tout se déroule à merveille, il neige la nuit, fait beau le jour, et malgré l'obsession de skier parallèle de Bruno, l'aversion de la poudreuse de Daniel, l'impression de ne pas rater le planter-de-bâtons pour ma part, franchement on ne voit pas ce que les skieurs des Championnats du monde de ski qui crânent à la télé le soir ont de plus que nous.

Enfin, il y a quand même un petit quelque chose qui cloche pour Daniel et Bruno. Mais où est donc passé Ravaillac ? En fins limiers des pistes, ni l'un ni l'autre n'ont encore aperçu ce personnage de la station, volubile sexagénaire qui plante sa caravane chaque hiver au pied des pistes pour mieux sauter sur ses skis.

"Vous n'avez pas vu Ravaillac ?", ose même un matin Daniel en s'adressant à un pisteur éberlué. Ravaillac, voyez-vous, c'est un peu le Julio Iglesias de Gourette, le charmeur de ces dames, le dragueur du télésiège, mais avec un physique, comment dire, de radio, comme on dit dans le milieu journalistique pour décourager une carrière à la télé...

Ce singulier petit bonhomme, haut comme trois pommes et affublé d'un casque anti-chute pareil à ceux que portent les détenteurs de mobylette des années 60, fut baptisé Ravaillac en référence à Henri IV qu'il assassina (quelle date ? A vos I Phone !) et dont Daniel est paraît-il son portrait craché.

Un jour de ski sans Ravaillac c'est un peu comme une tartiflette sans fromage, ça manque. Mais voilà qu'à l'extrême limite de la semaine, la voix caverneuse et chantante de notre homme résonne au détour d'une piste ! Invité dans notre studio le soir (sans son casque donc, ouf) où nous avions Béniat et Anne-Marie, le skieur hors-pair (les vieux, c'est plus ce que c'était) nous déballe ses histoires comme un Galabru sur une scène de théâtre, captivant sans effort son auditoire. On passe en revue l'époque épique de son mariage, ses exploits pendant la période franquiste en Espagne, son amour des femmes et de la musique classique et ses péripéties au bord de la nationale dans un camping-car éventré... Du grand art...

Rien ne manque plus à notre bonheur pour clore cette semaine sportive où certains ont même tenté l'expérience du yoga...

On y retourne l'an prochain ?

 

 

 

 

 
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J
EXCELLENT !! je n'ai pas reconnu la plume de cette journaliste ni vu la photo qu'aurait pu (dû) prendre daniel mais c'est comme si on y était... donc, vivement l'année prochaine et votre semaine de ski si habillement racontée !bises à vous
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